Suite à de nombreuses crises et un retrait persistant, Nao Black avait été dirigé de force vers une psychiatre à l'âge de dix ans seulement, laissant voir de nombreux déficits à tous les étages et des troubles mentaux précaires. Des séances qui au final n'ont jamais portées leur fruit.. Au grand désarroi de sa mère qui voulait voir son enfant aller mieux.
Une immense tâche était étalée sur la page jauni, la psychiatre utilisait peu le test de Rorschach mais pour une des rares fois dans sa carrière elle tenait à analyser la personnalité de son jeune sujet, de le pousser de manière implicite à se dévoiler, mais jamais elle n'aurait cru faire face à une telle précocité de l'esprit, une telle avancée dans la douleur. Des adultes passaient souvent dans son cabinet, ils avaient de l'expérience et un long vécu derrière eux, mais c'était la toute première fois qu'elle avait à faire à un enfant ayant à peine entamé sa vie.
DEMONS
THAT
WILL NEVER STOP
10 ANS. PREMIÈRE CONSULTATION
-Tu es courageux pour venir me voir tu sais Nao. Nous allons faire un jeu si tu veux bien. Tu vois la forme ici? Tu peux me dire ce qu'elle représente? Qu'est-ce que tu vois?
A peine plus haut que l'étagère à référence clinique que possédait la psychiatre, Nao s'était penché vers la feuille, prêt à participer à ce que la femme à lunettes appelait un jeu.
-Je vois monsieur sourire. C'est comme ça que je l'ai appelé.
-A quoi ressemble-t-il ce sourire? Est-il bienveillant ? Est-ce que tu as fais quelque chose qui l'a contrarié?
N'ayant su répondre promptement, l'experte l'avait relancé, optant pour une méthode et une écoute active du jeune spécimen
-Qui est derrière ce sourire Nao, tu peux me le dire?
Le rejeton avait secoué sa tête avec peine, liant ses mains d'enfant entre elles, lui donnant cet air sérieux que seuls les adultes ont l'habitude d'adopter.
-Ce n'est qu'un sourire. Juste un sourire. Mais il n'est pas très heureux.
-Pour quelles raisons Nao? Ce sourire, que t'a-t-il fait?
Comme si il s'était subitement renfermé pour se protéger, Nao vait attrapé ses jambes entre ses bras, fermant ses yeux très fort.
-Je suis là pour t'aider Nao, dis moi.
La lumière traversait la salle d'une lueur presque sainte, ne parvenant toutefois pas à passer à travers l'épaisseur de la moquette couleur pétrole. La femme à lunette se tenait toujours dans son siège, puis, à côté d'elle se tenait un homme qui allait continuer la 'fouille', c'était un hypnotiseur.
Cela faisait quatre ans jour pour jour que la psychiatre avait reçu Nao dans son cabinet pour la première fois. Au souffle de ses quatorze années, elle l'avait convoquée d'urgence, n'arrivant pas à se sortir son cas de la tête.
HE NEEDED SUM HELP
-Nao, je suis le docteur Kaplan, tu étais venu voir le docteur Morrow il y a quatre ans mais aujourd'hui c'est moi qui vais te manipuler. Ta mère s'inquiète beaucoup. Je vais procéder à une séance d'hypnose afin de comprendre ce qu'il se passe dans ta tête et d'essayer de pouvoir y remédIer. N'aies pas peur de lâcher prise, tu seras toujours éveillé mais dans un état modifié de conscience.. Un peu comme le rêve ou la relaxation. Dans le fond; le principe c'est d'aller chercher en toi toutes les ressources dont tu disposes déjà pour te soigner toi-même Nao.
-Donc vous, vous ne servez à rien en fait.
-Disons que je vais seulement essayer de te guider Nao, afin de définir ce qu'il y a de mieux pour toi.
-Vous êtes magicien docteur Kaplan?
-Non mais c'est pour cela qu'on va se fixer un objectif Nao. Comme une promesse que tu te fais à toi-même. Il faut que tu te dises au plus profond 'je veux soigner cette blessure qui m'empêche de progresser'.
-Comme si c'était simple.
Interpellé par le répondant et la violence verbale à un stade avancé du jeune Black, le docteur Kaplan avait lancé un regard en direction de la thérapeute qui se tenait près de lui, prêt à faire table rase de ces quelques propos pour enfin entamer la procédure. D'une voix monocorde, il s'était adressé à cet adolescent de quatorze ans en plein tourment, lui proposant de se concentrer sur certaines zones de son corps afin d'entrer en phase d'induction, un stade qui lui permettrait de fixer son attention sur lui-même. (...) Allongé sur le divan, les yeux ouvert et fixés sur un métronome arrangé qui dans ses balancement régulier faisait apparaître une lueur bleutée.
-Inspire profondément, sens la douleur dans tes membres, imagine la. Maintenant, à chaque bruit que le métronome fera, tu te détendra un peu plus. Enfin, lorsque je toucherais ton front tu fermas tes yeux et tu seras encore plus détendu.
La femme à lunettes gribouillait des choses insensées sur son calepin ten même temps que son collègue avançait dans le processus d'hypnose, apportant ses doigts au front de son patient, laissant les choses se dérouler sans la moindre encombre.
-Maintenant, imagine une grande lumière qui part du haut de ta tête, là, et qui grandit jusqu'à remplir toute la pièce. Cette lumière grandit encore et éclaire un chemin, à quoi il ressemble? Est-ce qu'il s'agit d'un chemin de terre, de sable, de graviers?
-Je ne sais pas, tout est noir.
-Bien évidemment.. Est que vois-tu d'autre Nao?
-Du brouillard, rien que du brouillard.
-Très bien. Maintenant, au bout de ce chemin, par-delà le brouillard, il y a un puit. Il est comment ce puit?
-Très profond.
-Approche toi de ce puit, dis moi quand tu y es arrivé.
Un laps de temps assez court s'écoule tandis que les deux médecins se jettent un coup d'oeil l'air effrayé. La psychiatre avait l'impression que tout s'était aggravé. Nul doute, cet enfant serait un désastre à en devenir.
-J'y suis.
-Dans ce puit très profond tu peux jeter, là, maintenant, tout ce lourd bagage, tous ces moments difficiles qui te font du mal. Dis moi ce qu'il y a dans ce bagage, ce dont tu n'arrives pas à te débarrasser.
Ses yeux s'étaient ouverts subitement, les souvenirs rejaillissaient. L'adolescent était en état de transe, son corps tremblant en discontinu mais ayant tout de même répondu à demi-mot :
-La seule force de ce sourire m'a plaqué contre un mur. Monsieur sourire m'a frappé pour demander le silence, il m'a touché, il m'a forcé. Je l'entend encore dire que je ne suis rien, que si je ne garde pas le silence ça se passera mal et que tout se saura. Mais je refuse.. Je refuse! Personne ne voudra plus de moi. Personne ne me croira. Personne ne croit aux monstres.
14 ANS. SECONDE CONSULTATION
Des séances qui même espacées n'eurent jamais aucun effet salvateur sur lui. La machine ne pouvait être réparée, il était abîmé pour le restant de l'éternité, portant les stigmates de l'Humanité, devenant graduellement bien pire que ceux qui avaient pu l'écorcher.
Pourtant, suite à cette thérapie sans succès, il s'était fait discret, avait fait preuve d'une discrétion sans faille. Depuis ses quatorze ans il avait tout préparé : la mort des siens, une nouvelle vie. Il ne voulait plus avoir à faire à cet hideux passé. Il souhaitait changer.