IDENTITÉ : RAMSÈS AMBROISE SOLF
AGE : 20 ANS
SEXE : MASCULIN
touch
Il manquait au monde la délicatesse, la sensibilité et l’imagination dont Ramsès disposait en excès. Il mesurait la distance qui le séparait non seulement des Hommes mais également de sa famille. Il ne partageait ni leurs souvenirs, ni leur histoire, ni leur espoir. Quelque chose qui était à eux, ne lui avait pas été transmis, ou du moins ne lui avait été transmis que pour mieux-être perdu. Ce don, ce maudit don qui avait sauté des générations et qui l'avait frappé lui, pauvre gosse qui n'avait rien demandé si ce n'était d'être normal. Pourtant il fallait bien grandir, devenir adulte, et renoncer aux chimères au profit de la douloureuse réalité; c’était le processus normal, logique, attendu. Pourtant sa lucidité ne le consolait guère : il n'en était pas moins désespéré, prisonnier d’un quotidien seulement rythmé par ses accès de folie, à l'image d'une mouche dans une toile d’araignée. C'est cette imprévisibilité découlant de la disproportion entre la cause de la crise et la crise elle-même, qui créait, comme dans une guerre, un véritable maelström d'impressions qui lui était incapable de gérer. Il avait peur, peur du bagage émotionnel des hommes, peur du sien, tétanisé à l'idée d'entrer dans la forteresse de leur pensées.
Oui, sa différence était son fardeau depuis toujours, et il avait mit bien du temps à comprendre que c’était de là, surtout, d'où venait l'hostilité d'autrui à son égard. Du temps à comprendre que les choses étaient ce qu’elles étaient et qu’aucune de ses actions, aucun de ses efforts, n’y pourrait rien changer. Sa mère avait eu beau lui avoir enseigné le dur métier de l’endurance, Ramsès ne pouvait s'empêcher de souffrir. Esseulé, renfermé, mauvais, il enviait les autres. Il enviait leur fadeur, leur normalité; car il est si facile, d'adopter la bienveillance quand il ne vous est jamais rien arrivé de mauvais, et la générosité quand on en a toujours bénéficié. Il est si facile de rayonner quand vous êtes assuré d’être soutenu envers et contre tout. Oui, c'est si simple lorsque l'on est ordinaire. Mais pas pour lui.
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Du bout des doigts, il accédait à un monde invisible, imperceptible.
Univers parallèle, profane dimension dans laquelle il percevait le Mal plus que le Bon. Enfer personnel duquel son être ne pouvait se départir. Il n'avait alors que deux choix : survivre ou mourir.
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L'Homme est le possesseur d'une riche palette de sens : la vue, le goût, l'odorat, l'ouïe et le toucher. C'est plus précisément grâce à ce riche étendard qu'il lui est possible de s'ouvrir au monde qui l'entoure. Et quoi de plus naturel en cet environnement qui ne cesse d'évoluer, de progresser, que de s'y laisser aller? Contempler le progrès, savourer et sentir le changement, entendre cette Terre qui bruisse perpétuellement, caresser la nouveauté. Tant de sensations dont l'Humanité ne pouvait se priver, tant de richesses qui la maintenait en vie.
Déshéritez les mortels de leurs sens et c'est tout un système qui partirait en fumée. Imaginez seulement un instant, leur vils existences, décharnée de toute substance, exorcisées de toute lumière. Ce serait l'enfer. Car oui, à quoi bon perpétrer la vie si celle-ci n'a plus aucune matière? Oui, à quoi bon continuer de vivre dans l'effroi Ramsès? Pauvre gamin exhérédé d'un sens ô combien capital en ce monde déjà si bas.
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